L’ITW: trois questions à Paul Chiambaretto

Pour cette seconde édition, nous rencontrons Paul Chiambaretto, Directeur de la Chaire Pégase, à l’occasion de la sortie du nouveau rapport sur l’attractivité dans l’aérien et l’aéronautique.

➡️ Pourquoi avoir choisi ce sujet d’étude en particulier ?

PC: Nous avons choisi d’étudier l’attractivité des secteurs de l’aérien et de l’aéronautique car ceux-ci traversent une phase critique. Malgré un rebond de l’activité post-Covid, les entreprises du secteur peinent à livrer des avions ou à assurer leur maintenance, essentiellement en raison d’une pénurie de main-d’œuvre. Ce paradoxe – un secteur qui recrute mais peine à attirer – méritait d’être exploré en profondeur. L’objectif était donc de comprendre pourquoi les jeunes et les demandeurs d’emploi ne se tournent pas davantage vers ces métiers, pourtant porteurs et souvent perçus positivement. Pour y répondre, nous nous sommes appuyés sur une double approche : qualitative (entretiens avec jeunes, demandeurs d’emploi et institutions) et quantitative (deux enquêtes représentatives avec plus de 1500 répondants). Cela nous a permis d’identifier les freins qui limitent l’attractivité et de proposer des leviers concrets pour renforcer l’intérêt pour ces carrières.

➡️ Quels sont les freins majeurs à l’attractivité du secteur ?

PC: L’étude identifie quatre grands freins à l’attractivité des secteurs aérien et aéronautique. Le premier est un déficit de notoriété : les métiers (hors pilotes ou PNC) et les entreprises (hors grandes compagnies) sont globalement méconnus, notamment des jeunes. Le second frein est lié à une image d’inaccessibilité : les jeunes perçoivent ces carrières comme réservées à une élite, exigeant un parcours scientifique ou des études coûteuses. Troisièmement, le rôle de l’entourage, de la proximité géographique ou du voyage est déterminant : les jeunes éloignés de ces univers ne s’y projettent pas spontanément pour une carrière future. Enfin, un décalage de valeurs et de conditions de travail est souvent mentionné : horaires décalés, stress ou manque de sens perçu peuvent dissuader certains profils. Ces quatre freins, bien que distincts, se renforcent mutuellement. Comprendre ces dynamiques nous permet ensuite de proposer 15 actions ciblées pour rendre ces secteurs plus accessibles, plus visibles et mieux alignés avec les attentes des jeunes et des demandeurs d’emploi.

➡️ Avez-vous des recommandations aux salariés d’une compagnie très bien identifiée comme Air France ?

PC: Même si Air France bénéficie d’une marque employeur forte, elle n’évolue pas en vase clos. Elle dépend d’un écosystème de partenaires – sous-traitants, entreprises de maintenance, personnel en escale – qui, eux, souffrent fortement du manque d’attractivité du secteur. Ce déficit peut dégrader l’expérience client, par exemple lorsqu’un vol est retardé faute de bagagistes ou que la maintenance est ralentie. Les salariés d’Air France ont donc un rôle essentiel à jouer pour promouvoir l’ensemble de la filière. Ils peuvent devenir des ambassadeurs, notamment auprès des jeunes générations ou des publics en reconversion, en valorisant la diversité des métiers et la possibilité d’y faire carrière, y compris sans formation scientifique. Il est aussi essentiel de déconstruire les stéréotypes : travailler dans l’aérien, ce n’est pas réservé à une élite. En montrant que des parcours variés y sont possibles, les salariés peuvent contribuer à redonner du sens et de l’envie à rejoindre cette industrie. L’attractivité est donc l’affaire de tous.

Juin 2025

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